Fin janvier, Tesla a annoncé l’ouverture de ses Superchargeurs à toutes les voitures électriques via une programme pilote. Après deux mois, il est l'heure de dresser le bilan de cette initiative.
Avec ses premières Model S, Tesla a déployé un réseau de recharge rapide propriétaire. Le but : démocratiser le plus rapidement possible la voiture électrique et rassurer les conducteurs concernant l’autonomie. Au fil des années, le réseau de Superchargeurs est devenu une référence en matière d’écosystème pour la voiture électrique : rapide, simple, abordable, fiable et disponible en nombre, le réseau Tesla cumule les éloges. A l’image des voitures de la marque, ces bornes de recharge rapide redéfinissent le segment et donnent du fil à retordre à d’autres opérateurs, qui n’ont guère d’autre choix que suivre le cahier des charges et le rythme de Tesla pour se faire une place.
Un réseau de bornes ouvert aux véhicules d'autres constructeurs
Véritable argument commercial pour la marque, avec parfois des acheteurs uniquement séduits par ce réseau convoité, les Superchargeurs ne seront plus uniquement réservés aux Tesla. Suivant ses premières volontés pour démocratiser la mobilité électrique, Elon Musk a annoncé que ses bornes s’ouvriront à toutes les voitures électriques.
Après les Pays-Bas, c’est donc au tour de la France de faire partie du programme pilote de lancement. Une période durant laquelle la marque américaine étudiera la viabilité du système et les éventuelles complications techniques.
Dès le lancement officiel de cette phase de test le 31 janvier dernier, c’est une véritable ruée vers l’or qui a débuté, avec plusieurs centaines de voitures électriques toutes marques confondues qui ont été s’abreuver sur les Superchargeurs. Plusieurs semaines plus tard, nous dressons donc un premier bilan.
Une procédure de lancement (presque) simple
A vrai dire, nous n’attendions pas de Tesla de véritable avancée significative en matière d’adaptation software ou hardware de ses installations. Toutefois, les choses ne semblent pas avoir évolué depuis le lancement de l’opération. Et c’est notamment en matière d’expérience utilisateur que tout ne se passe pas forcément comme prévu, et ce malgré les nombreux premiers retours. Car pour pouvoir bénéficier des recharges sur les Superchargeurs, les conducteurs de voitures «non-Tesla» doivent initialement télécharger l’application de la marque. Mais ils devront aussi créer un compte utilisateur et renseigner les coordonnées bancaires.
Il s’agit là de l’étape la plus fastidieuse, puisque nous avons dû répéter l’opération pas moins de sept fois avant d’avoir une validation. A chaque fois, c’est la communication entre l’application Tesla et celle de la banque qui a été infructueuse. Il est possible d’entrer l’IBAN pour un prélèvement bancaire, ce qui semble faciliter l’opération, mais l’enregistrement d’une carte bancaire n’est pas plus efficace qu’aux débuts.
Plusieurs dizaines de minutes plus tard, nous avons enfin validé notre compte et renseigné tous les champs. Il ne nous reste donc plus qu’à suivre la procédure afin de lancer la charge : sélectionner la station concernée (l’application se sert de la localisation du smartphone pour aller plus vite), brancher le câble sur la voiture, sélectionner la borne utilisée (un chiffre et une lettre dans un rond généralement inscrits sur le corps d’un Superchargeur), puis lancer la charge.C’est aussi simple et intuitif que ça, si l’on suit la procédure dictée.
Des puissances de recharge plus faibles
En matière de recharge, nous n’avons noté aucune contrainte particulière avec les voitures que nous avons utilisées. Les Volvo C40 Recharge Twin et Volkswagen ID.3 ont accepté la recharge sans rechigner. Mais dans les deux cas, nous avons tout de même observé des puissances de recharge moins élevées que la normale.
Certes, les taux de charge étaient en dehors des pics de puissance quand nous avons branché les véhicules (60% pour le C40, 30% pour l'ID.3), mais ces deux véhicules ont présenté des puissances bien plus élevées sur des bornes Ionity ou Fastned à un taux équivalent. C'est un peu moins le cas avec le Volvo (une poignée de kW en moins) que sur la Volkswagen (plus de 10 kW de puissance en moins). Selon le véhicule, il pourrait être plus intéressant de se charger chez un autre opérateur sur les longs trajets.
Des Superchargeurs pas forcément adaptés à tous
D'autant que les Superchargeurs présentent une autre caractéristique : celle de l'emplacement de la borne et du câble de recharge. Plutôt court mais facilement manipulable, il est toutefois étudié pour les Tesla, qui disposent d'une prise de recharge à l'arrière gauche de la voiture. Ce qui veut dire que seules les voitures électriques avec une prise de ce côté, ou avec un port à l'avant droit peuvent se brancher correctement sur les Superchargeurs. Fabian Laasch a publié un schéma explicite sur Twitter pour comprendre.
Celles qui disposent de port centraux (Hyundai Kona Electric, MG ZS EV, Honda-e, Dacia Spring…) devront se garer de biais pour pouvoir se brancher. Rien de rédhibitoire, mais il faudra sans doute s'y reprendre à deux fois pour arriver à se brancher.
Mais l'affaire se corse pour toutes les électriques qui ont une prise installée à l'opposé. C'est le cas par exemple de la Volkswagen ID.3 et de nombreux autres modèles, qui n'auront d'autre choix que de condamner deux places. Voilà une situation qui n'a pas l'air de plaire à quelques propriétaires de Tesla, qui nous ont montré les dents malgré une station quasi-vide et notre passage rapide.
Voilà l’une des grosses missions sur laquelle devra se pencher Tesla pour atteindre son objectif, puisque la marque devra adapter ses installations pour convenir à toutes les voitures. En parallèle, les constructeurs auraient tout intérêt à moins tenter des pirouettes techniques et stylistiques pour installer des prises à des endroits improbables sur une voiture - mais il n'en demeure pas moins que c'est à l'opérateur du service de s'adapter, quoiqu'en disent les défenseurs de la marque américaine.
Une hausse des prix qui fait mal
Avertissement : les prix mentionnés dans cet article ont été observés durant nos tests mais sont susceptibles de changer à tout moment en fonction de la politique tarifaire du constructeur et des fluctuations des prix de l'énergie. Ils sont donc donnés à titre indicatif.
Tesla fait donc le choix d'une facturation au kWh, dont il est possible de suivre la consommation en quasi temps réel sur l'application. Mais la marque américaine a récemment fait gonfler ses prix : alors que nous avions été facturés 0,56€/kWh avec le Volvo C40 quelques jours seulement après le lancement du programme pilote, la grille tarifaire est désormais montée à 0,69€/kWh… soit une hausse de 21% en moins de deux mois.
Un abonnement à 12,99€/mois permet de faire chuter le prix à 0,45€/kWh (soit autant qu'un conducteur de Tesla), mais tout de même. Selon la quantité d'énergie, la facture pourrait être salée. De 10 à 80% de charge, les 40 kWh ingurgités par une ID.3 (58 kWh) représentent un coût total de 27,6€ - ou de 18€ avec le tarif sous abonnement. Chez Ionity, en plein tarif public (0,79€/min), la même opération donne une note de 26,07€ - ou de 9,90€ avec l'abonnement WeCharge Plus (9,99€/mois la première année).
Du côté du Volvo, le bilan est différent sachant qu'il ne profite d'aucun tarif préférentiel chez Ionity. Avantage au prix Tesla de 0,45€/kWh donc, avec une facture totale de près de 24€ contre 29€ chez Ionity pour le modèle.
Mais avec cette récente fluctuation des prix, les Superchargeurs Tesla ne peuvent rien faire face à Fastned. Fraîchement débarqué en France, l'opérateur néerlandais propose des recharges à pleines puissances au prix de 0,59€/kWh - ou de 0,45€/kWh contre un abonnement de 11,99€/mois.
Quelle suite pour l'avenir ?
En attendant que Tesla apporte des évolutions significatives à son service, quelques désagréments peuvent émailler l'expérience aux bornes pour les non-propriétaires de Tesla. Si vous envisagez d'utiliser le service, notre principal conseil sera de penser à enregistrer toutes vos données bancaires sur l'application préalablement au calme chez vous, et de ne pas attendre d’arriver face à la borne.
Au chapitre des évolutions, le fabricant américain continue d'apporter des mises à jour pour permettre à de nouveaux modèles de se recharger. C’est notamment le cas des électriques du groupe Stellantis sur plate-forme eCMP, qui ne pouvaient pas bénéficier d’une recharge au début. En revanche, la plateforme e-GMP qui équipe les Hyundai Ioniq 5 et Kia EV6 ne disposerait pas toujours d’une compatibilité optimale.
Interrogées par nos soins sur le futur de ce programme pilote, les équipes de Tesla Francene nous ont apporté aucune précision. 18 stations sont ouvertes à ce jour sur l’ensemble du territoire, dont celle de Beaune Nord, au croisement de plusieurs grands axes européens. Tesla analysera régulièrement les retours des utilisateurs et la fréquentation des stations afin d’ouvrir d’autres sites. Rappelons qu’au Pays-Bas, l’intégralité du réseau de Superchargeurs a été ouvert dans le cadre de ce programme d’essai.
Superchargeurs Tesla pour tous : quel bilan ?
Pas toujours les moins chers, pas toujours compatibles en software comme en hardware, peu nombreux à l’heure actuelle et ne développant pas toute la puissance que peut réellement accepter une voiture à un taux de charge donné, les Superchargeurs Tesla pour tous ne cumulent pas les superlatifs qu’on leur connaît avec les voiture de la marque.
Tout juste permettent-ils pour le moment d’offrir des points de recharge supplémentaires à un réseau qui se développe moins vite qu’il ne devrait. La révolution de la recharge pour tous selon Tesla, ce n’est donc pas pour tout de suite.
Commentaires (10)
dapoussin
Dossier intéressant, merci ! J’ai fait un aller/retour Amsterdam/Paris en Model 3 au début du mois, et les tarifs au kWh entre la France et les Pays-Bas sont très différents: j’ai payé 0.46€/kWh au Super Charger de Lille, et seulement 0.36€/kWh à celui de Breukelen (28% d’écart). Alors que la TVA est plus élevée aux Pays-Bas qu’en France (21% vs 20%).
J’ai du mal à expliquer cet écart important, alors qu’on vante l’électricité peu chère produire en France grâce au nucléaire…
Bref pour en revenir à l’article, c’est une bonne chose d’ouvrir le réseau Tesla à la concurrence, mais il faudrait aussi que les constructeurs placent tous leurs prises à l’arrière gauche ou à l’avant droit. Il y a bien une norme pour le format des prises (et heureusement), je ne vois pas pourquoi il n’y en aurait pas une pour leur emplacement.
kervern
bon je vois personne n’est outrée par les prix pratiqués, franchement pour 70 kw chez soi on est pour un véhicule comme le mien a 11,2€ en heures pleine, chez tesla on est a 48.9€ !!! ou quand je vois sur la borne bleue de ma ville la nuit c’est forfaitaire a 10€ la charge de 20h à 8h du matin pour une carte à 19€ annuel !
toast
Ce qui aurait été bien, c’est de mettre en perspective la fiabilité des réseaux et le nombre de bornes.
Quand tu va chez Ionity, tu serres les fesses pour que les bornes fonctionnent, d’autant qu’il n’y en a que 4 en général.
Chez Tesla, c’est rarement moins de 8 et les nouvelles stations sont généralement à plus de 20. Il arrive parfois que des bornes soient en rade, mais c’est tellement moins fréquent.
toast
Personne n’est outré non plus par le prix de l’essence qui est bien plus important sur les autoroutes ?
Ces bornes ne sont pas adaptées à de la recharge hebdomadaires et à part quelques exceptions (gros rouleurs, pas de solution de recharge à domicile, etc.), ces bornes représentent une quantité négligeable de recharges dans l’année.
Oui c’est cher, mais si c’est le prix à payer pour avoir suffisamment de bornes pour faire des grands trajets de temps en temps, je n’ai pas de soucis avec ça.
Stavroguine
C’est prévu ! Nous sommes en train de tester tous les principaux réseaux de bornes disponibles en France pour les comparer et informer nos lecteurs à ce sujet
KlingonBrain
IMHO, les politiques devraient intervenir rapidement pour réguler ce marché et et obliger à une simplification des choses.
On veut faire de l’écologie ? Alors charger une voiture électrique devrait toujours être aussi simple que de prendre de l’essence sur une voiture thermique : Tu connectes, tu charges, tu paye avec ta carte bancaire et point barre. Et cela dans n’importe quel chargeur.
Il ne devrait être illégal d’obliger à créer un compte, installer une applications, ou de renseigner d’informations personnelles. Et encore plus qu’un réseau de distribution soit réservé à une marque de voiture.
Je me souviens qu’a une époque on rigolait en disant que si le monde réel ressemblait à l’univers du logiciel, prendre de l’essence deviendrait un calvaire et qu’il y aurait de l’essence particulière pour chaque marque de voiture et qu’il faudrait rentrer un numéro de série et accepter un contrat pour remplir son réservoir.
Et maintenant on rigole moins. Parce que comme personne n’a jugé bon de combattre ces pratiques anormales dans le monde du logiciel, elles sont tout bonnement en train de s’étendre au monde réel. Et cela choque de moins en moins.
A quand l’installation d’une application, la fourniture d’une pile de justificatifs et la souscription d’un abonnement … juste pour avoir le droit d’entrer dans un magasin dans le but de s’acheter des nouilles ? Aujourd’hui ça fait sourire… mais demain ?
J’imagine si on revenait 50 ans en arrière et qu’on disait aux gens qu’il faut tout ce bordel juste pour mettre du carburant dans son véhicule, ils nous regarderaient avec des yeux ronds en nous traitant de fous.
Il parait que la technologie c’était sensé nous simplifier la vie
MisterDams
Sauf qu’on met en place un système où l’intervention humaine est de plus en plus faible. Dans les stations de carburant, même en 24/24, tu es obligé de faire passer quelqu’un régulièrement ne serait-ce que pour faire le plein des cuves et probablement de multiples contrôles de sécurité.
Donc, la maintenance des TPE fait partie des actions de maintenance régulière du personnel qui gère ces stations.
Les bornes telles qu’elles sont conçues aujourd’hui ont vocation à pouvoir rester plusieurs mois sans voir un seul technicien, pouvant ainsi proposer des arrêts un peu partout, sur autoroute ou en pleine campagne.
Au final, le fonctionnement actuel de la recharge électrique est le même sujet que ce que connaissent les pros avec la «Carte TOTAL» : ils avancent pas les sous du carburant en note de frais, mais ils ne peuvent aller que chez TOTAL avec.
Si tu restes fidèle à ton fournisseur, tu n’as qu’une seule application, qu’un seul contrat…
Le seul besoin en normalisation, c’est sur les normes de charge, et la dessus on a déjà bien évolué en quelques années, avant on galérait même à trouver une prise compatible, jusqu’à ce que l’Europe standardise le Combo CCS en 2014.
toast
C’est top, merci
idhem59
Les usages font que ce n’est quand même pas comparable. Je peux traverser la France par l’autoroute sans avoir à m’arrêter faire le plein sur l’autoroute.
Alors que ces bornes rapides bien chères des autoroutes ou aux abord de celles ci sont difficilement évitables sur des longs trajets en électrique.
Quand c’est exceptionnel pas de soucis, on recharge chez soi à pas cher la plupart du temps, mais quand on passe son temps sur la route où qu’on est régulièrement en déplacement, ce n’est tout de suite plus du tout intéressant financièrement.
toast
Une bonne partie des véhicules thermiques n’ont pas forcément 1000 bornes d’autonomie non plus.
Évidemment que c’est bien plus cher que de la recharge à domicile, ce n’est pas pour ça que c’est cher pour le service rendu, vu que la recharge à domicile ne me permet pas d’avoir ce service.
Tout n’est que perception personnelle. Je n’essaie pas de te convaincre que ce n’est pas cher, je note juste que dans mon cas, je ne trouve pas ça délirant pour mon usage et pour le service rendu. Mais tu as raison de trouvez ça abusif et et délirant si tu le souhaites. Pas moi.